jeudi 22 octobre 2015

La dyspraxie chez nous

Monsieur Tournesol


Comment sommes nous arrivés au diagnostic ?

Tout pourrait être dit en " Parcours du combattant"

Et pourtant, quand on y réfléchit, mon Tournesol a pu être diagnostiqué jeune ( 6 ans 1/2) et très convenablement.

Mais quand je parle de parcours du combattant, c'est que j'ai été SEULE face à la différence de mon fils.

SEULE, face au corps enseignant
SEULE, face aux remarques accusatrices à mon encontre
SEULE face aux regards des autres sur mon enfant
SEULE pour mettre en place des suivis et tout ce qui m'a mené au diagnostic.

Commençons par le commencement.


J'ai eu mon fils à un âgé qualifié de jeune : 23 ans.
Encore étudiante, donc déjà dans mon ventre, nous étions jugé tout les deux, sans nous laisser la moindre chance.

Finalement j'ai eu mon diplôme haut la main ( 1ère de l'académie), ai trouvé un CDI avant même le diplôme et en si peu de temps qu'il ne le fallait, j'avais 25 ans, enceinte de la petite sœur de mon Tournesol et propriétaire d'une maison que nous allions retaper -gros oeuvre compris-.

Et mon Tournesol dans tout cela ?
Un bébé modèle : souriant, qui a fait ses nuits tôt, qui s'est adapté à moi plus que le contraire finalement, conscient certainement du rythme dingue dans lequel nous nous étions lancé avec son papa.
Il a marché à 16 mois, a été propre à 2 ans.
A la naissance de sa petite soeur, alors âgé de 2 ans c'est là que j'ai sentit concrètement sa différence.

1ère inquiétude : il ne parlait pas bien. Mais VRAIMENT pas bien.
A 2 ans, il ne prononçait que quelques mots. Mais cela ne l'empêchait pas de se faire comprendre.
A 3 ans, il ne construisait pas de phrases et ne faisait que des associations de mots. Mais on le comprenait toujours bien.
Aujourd'hui encore c'est complexe. Il a un riche vocabulaire, mais c'est embrouillé dans sa tête. Comme il me le dit "Attend, faut que je réfléchisse dans ma tête pour que j'arrive à projeter dans ma bouche".
Et souvent cela sort maladroitement et mal à propos.

Bref, c'est ce retard de langage qui m'a amené à consulter rapidement ( à 3 ans) une orthophoniste. Le bilan est mauvais (sauf pour le vocabulaire ou il est exceptionnellement compétent) mais pas d'inquiétudes : il faut lui laisser le temps, il est jeune (phrase qui me sort par les yeux encore aujourd’hui !)

2nde inquiétude : mon tournesol est comme le vrai Mr Tournesol : il est maladroit, complètement dans la lune, ayant parfois des conduites sociales inadaptées et avait des passions envahissantes comme tout ce qui est automatisé, électronique (passion qu'il a gardé mais qui sont moins prégnantes).
Bref, clairement il "fait" différent.

3ème inquiétude : mon bonhomme est très anxieux et hypersensible.
Normal, c'est de ma faute me dit-on.
On m'accuse d'être une mère poule qui anticipe trop les besoins bidons de son fils.
Je pleure, j'hurle intérieurement car je SAIS que mon fils a des besoins particuliers et que NON je ne le couve pas TROP : je tente juste comme je peux de TOUT mettre en place pour l'aider au mieux face à cette différence que je ressens mais que je suis la SEULE à voir.

Et le jour ou tout a basculé. Novembre 2013.
En Grande section de maternelle. Il a alors 5 ans 1/2.
Mon tournesol rentre bien dans les apprentissages mais reste un petit garçon "dans la lune", hypersensible. Bref, il ne rentre pas dans le foutu moule de l'éducation nationale.
La maîtresse est bien d'accord avec cela d'ailleurs. Mais pour elle, c'est plus un problème de comportement de sa part. C'est LUI qui ne veut pas rentrer dans ce foutu moule. Et MOI qui l'incite à ne pas y rentrer.
Je prends donc le taureau par les cornes car l'année suivante, c'est le CP. Et cela me terrifie à l'avance que mon fils ne s'y intègre pas.
Je vais donc voir une psychologue avec lui, pour savoir ce qu'il en est. Mon fils est-il différent ou est-ce VRAIMENT de ma faute (vilaine mère poule que je suis) ?
Après une heure d'échange avec moi et 5 minutes avec mon fils, le pseudo diagnostic tombe : Tournesol a des traits autistiques.

Mon monde s'effondre. Je le sentais différent mais pas comme cela !
Je deviens incollable sur l'autisme de haut niveau. Oui, mon tournesol a des traits, mais seulement de loin. Et si cela venait d'ailleurs ?
Je téléphone au Centre de Référence des troubles Autistiques (CRA) de mon département : 1 an d'attente !!!!

Je prends encore le taureau par les cornes et obtient un RDV avec un neuropediatre quasi à la retraite. Un ancien professeur des hôpitaux qui lorsqu'il nous reçoit, en 5 minutes me dit " Votre psychologue est une conne. Votre fils n'a RIEN d'autiste. Mais par contre, il est hyperactif et certainement dysharmonique".
Il m'oriente vers une psychologue avec qui il travaille pour faire un bilan psychologique.
Elle aussi réfute l'autisme mais pense à une dysharmonie avec des troubles attentionnels à quantifier + une fragilité de la sphère psychoaffective.Dysharmonie, cela veut tout et rien dire. En gros, mon fils a un développement non harmonieux.
Nous sommes en janvier 2014.

On poursuit la rééducation orthophonique et entamons une rééducation en psychomotricité.
En Février 2014, dans son bilan, la psychomot -qui n'est pas un professionnel habilité pour établir un diagnostic- parle de TED (Trouble Envahissant du Développement) qui fait encore parti de la sphère des troubles autistiques.
Je m'accroche à ne pas y croire, et décide de faire confiance à mon fils.

Entre temps, bilan ORL ou l'on découvre que mon fils a une surdité contextuelle mais permanente de l'ordre de 40 à 50% aux deux oreilles (il avait été vu à 4 ans par deux ORL et RAS...) + une astygmatie très forte et il est aussi hypermétrope.
Rien pour l'aider à s'intégrer dans notre monde quoi. Super.
On opère et on pose des diabolos aux oreilles + on accessoirise ses magnifiques yeux bleus/turquoises de Ray Ban noires et blanches.


Fin de la Grande section de maternelle, Tournesol entrera en CP mais avec des difficultés dans certains apprentissages, notamment les fondamentaux pour la lecture (il ne reconnait pas les sons) et les mathématiques.
S'achève la rééducation psychomotrice avec un bilan positif ou la psychomot réfute son diagnostic initial de TED. Je ne lui renvois pas le fait qu'elle a abusé de son pouvoir de professionnelle paramédicale en annonçant à tort un diag. Je suis lasse.

Nous sommes en Juillet 2014, je veux laisser mon fils tranquille pour le moment et juste poursuivre l'orthophoniste pour faire avancer son retard de langage.

L'entrée au CP se passe bien. Mon tournesol adore l'école et encore plus sa maîtresse.
Nous sommes en Novembre 2014 et il sait quasiment lire, alors que la maîtresse de Grande section craignait qu'il ait de grandes difficultés !
Mais l'enseignante m'alerte dès septembre sur les problèmes attentionnels de mon tournesol, qui ont explosés. Il n'a aucune autonomie et s'éparpille. On met en place des adaptations scolaires et la maîtresse est pleine de bonne volonté, même si elle n'a aucune expérience aux enfants présentant des troubles attentionnels.

Je prends RDV dans le centre de référence des troubles des apprentissages de l’hôpital de mon département et en attendant, prévois un suivi psychologique avec mon bonhomme qui est toujours très anxieux + un test psychométrique (test de QI).
On me conseille une psychologue ayant l'habitude des enfants différents. Elle ne peut pas suivre Mr Tournesol et m'oriente vers sa collègue.
Une erreur. Cette dernière est très gentille, mais peu compétente en réalité.
Elle fait passer le bilan psychométrique en 1h30 alors que bien fait, on doit le faire en plusieurs séances.
Mon Mr Tournesol saborde les questions, est TRES dissipé avec agitation motrice. La psychologue écrira d'ailleurs à plusieurs reprises dans le compte rendu que" Mr Tournesol saborde volontairement ses réponses..."

Résultat néanmoins : Trouble Déficitaire Attentionnel TRES marqué.
Un QI hétérogène avec de grandes différences de résultats entre le QI verbal (très bon) et le QI de Performance (moyenne basse).
Mais ouf, je suis rassurée, au moins il est intelligent.
Et bien oui, car après tout ce que l'on m'a renvoyé, avoir un enfant différent c'est aussi la crainte qu'il ait une déficience intellectuelle.

Mais ce test de QI orientait d'office vers une DYSPRAXIE.
Mais cela, je l'ai su après coup, quand je me suis renseignée.
Nous sommes en Novembre 2014, un an après le grand bouleversement.
On y voit un peu plus clair : mon fils a un fort trouble attentionnel et certainement autre chose. Mais quoi ?

Février 2015, on rencontre enfin la neuropédiatre du centre des troubles des apprentissages.
Elle penche fortement pour une dyspraxie.Elle me renvoi vers une ergothérapeute pour un bilan.
En parallèle, mon tournesol passe 1/2 journée avec une neuropsychologue pour passer un bilan complet de l'attention : troubles attentionnels confirmés mais ne se prononce pas pour un TDA (Trouble Déficitaire Attentionnel) pur.

Mars 2015 : Bilan Ergothérapeute qui valide une dyspraxie gestuelle et visio-spatiale sévère.

On entame une rééducation orthoptiste et on programme une rééducation en ergothérapie en CE1.

Voilà notre parcours du combattant.
Entre novembre 2013 et Mars 2015, nous avons multiplié SEULS les démarches. Avons tâtonné.
J'ai beaucoup pleuré, et en posant les mots sur notre parcours je suis essoufflée. Et je pleure encore.
Mais de colère.
Nous sommes dans un pays industrialisé,l'une des puissances mondiales et pour autant, on est tellement en retard notamment dans la prise en charge du handicap.
Mon tournesol a un handicap mais pas suffisamment lourd pour être "bien" pris en charge.
Et parlons aussi des préjugés pourris sur ce qui relève de la faute de la mère.
Purée, combien de temps perdu parce qu'on m'a dit que mon fils était encore jeune, qu'il fallait lui laisser du temps et que moi, il fallait que je cesse de m'alarmer et que c'était moi la responsable ?
Et pour au final tirer la sonnette d'alarme et me balancer en pleine figure que mon tournesol était autiste.
Alors qu'en réalité c'était un petit garçon pour qui les gestes du quotidien sont un éternel apprentissage et qui s'emploi de toutes ses forces à compenser ses difficultés et qui aujourd'hui encore me rend admirative car jamais on aurait pu deviner cette dyspraxie sévère... !

J'ai passé 1an 1/2 à le trimbaler de partout. Sa petite soeur a passé tout son temps libre dans des salles d'attente.
Jusqu'au bout j'ai été SEULE.

Et le papa dans tout cela ?
Pas présent. Il lui fallait digérer l'annonce que oui, son fils est différent. Digérer l'image idéale d'un FILS aîné.
Aujourd'hui cela va mieux.Il ne comprend toujours pas son fils. Je suis toujours le mode d'emploi. Mais il accepte. Et c'est déjà beaucoup.
Il me laisse gérer seule encore toute la prise en charge de Mr Tournesol, et même si des fois cela me fait rager, au moins je sais que je le fais "bien", car depuis le début j'ai compris mon fils. Et que comme on le dit souvent, j'ai son mode d'emploi :-)

Et la petite soeur ? Miss Bulma qui a du faire sa place, souvent avec violence.
J'étais trop occupée avec son frère pour voir qu'elle aussi avait besoin d'attention. Je l'ai laissée dans sa "normalité" rassurante.
Et aujourd'hui, on en paye encore un peu le prix. Elle est vive et très intelligente notre fille. Mais c'est une enfant peut être trop intelligente avec une maturité qui ne suit pas. Et donc des crises.

En conclusion, mon tournesol n'a "que" un trouble attentionnel et une dyspraxie. Une reconnaissance MDPH est en cours (handicap). La rééducation est en train de se mettre en place. On a fait le plus dur.
Mais ce "petit" problème a eu des conséquences sur toute notre famille.

Cela n’empêche pas que tournesol et Miss Bulma soient très proches. Ils se tirent mutuellement vers le haut.
Nous sommes une famille soudée, tout les 4, dans notre "petite maison dans la prairie".

Et ça, c'est grâce à notre super-héros.





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